J'ai mis les mots au placard, un an, ou presque, à fermer très fort les paupières, à refuser de voir, à prendre la fuite devant l'injustice, tourner le dos à la vérité parce que c'est trop, trop à encaisser. Comme si détourner le regard aller empêcher les jours de grignoter petit à petit ta petite ficelle de vie, comme si on pouvait faire un gigantesque pied de nez à la maladie, décliner gentiment, "non merci, repassez plus tard, ou allez voir ailleurs si on y est".
On fait semblant, et puis un jour tout nous explose en pleine figure, les remparts se craquellent et la forteresse qu'on s'est si bien construite contre la peur se retrouve submergée, on se noie. On se sait plus très bien à quoi se raccrocher, s'il existe une planche de salut ou si on est bel et bien en train de sombrer.
Le sommeil s'en est allé en claquant la porte, je cauchemarde éveillée, la panique s'empare de mon coeur qui s'affole comme un tout petit oiseau pris au piège, je ne sais plus respirer. A quoi ça tient la vie, est-ce que je ne peux pas te fabriquer une ficelle plus solide, arrimer ton existence à la mienne, les nouer si serrées que je ne pourrai jamais, jamais te perdre, sentir ton pouls battre la mesure de nos vies entrelacées, au creux de ton poignet ? Le moindre petit contact de toi me fait frémir; ta peau, c'est la mienne, c'est là d'où je viens, c'est fou comme ça me frappe aujourd'hui, je suis née à l'intérieur de toi, je suis de toi. J'ai le coeur au bord du vide à l'idée de te perdre, je me réveille chaque matin en pensant comme c'est triste une autre journée loin de toi, tu me manques tant, je voudrais engloutir la distance entre nos bras, te serrer contre moi si fort, ma joue contre la tienne, me perdre dans ton étreinte de maman. Quand vient le soir, je me console en me disant que je m'endors sous le même ciel que toi, j'essaye de calquer mon souffle sur le tien, à des centaines de kilomètres, je me niche à l'intérieur de tes rêves. Au plus noir de la nuit je suis la petite veilleuse à côté de ton oreiller, qui te chuchote n'aie pas peur, je suis là, je ne vais nulle part sans toi.
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